Clémentine Beauvais revisite un opéra russe en vers libres et c’est bluffant !

Clémentine Beauvais revisite un opéra russe en vers libres et c’est bluffant !

La jeune auteure de 27 ans n’en finit pas de surprendre. Après Les Petites Reines, elle revient avec Songe à la douceur, un remake d’Eugène Onéguine de Pouchkine.

« J’avais écrit le premier chapitre en prose, mais ça ne me convenait pas. Écrire en vers libres s’est imposé logiquement. Ce n’est qu’une fois le roman fini que j’ai pris conscience que cette écriture allait susciter des réactions. »

Difficile de ne pas croire Clémentine Beauvais dont le naturel et la spontanéité désarçonnent. À chaque interview, une voix douce qui suppose, interroge, constate mais toujours avec distance. Le succès retentissant des Petites Reines (1), salué par la critique, ne semble pas l’atteindre. Est-ce sa vie anglo-saxonne qui la protège ? Ce qui est sûr, c’est que l’enseignante-chercheuse en sociologie et philosophie de l’enfance à l’université de York, dans le nord de l’Angleterre, est une jeune femme brillante qui n’en met pas plein la vue (ou plutôt les oreilles) à son interlocuteur. Au contraire.

Eugène Onéguine revisité

Bien sûr, elle ne cache pas que Songe à la douceur revisite librement Eugène Onéguine, à la fois roman-poème du XIXe siècle de Pouchkine et opéra de Tchaïkovski. « Mais il n’y a aucunement besoin de connaître les deux œuvres originales pour lire le roman », assure-t-elle, excusant d’emblée toute méconnaissance du grand roman de l’écrivain russe.

C’est vrai. Inutile d’avoir étudié la littérature russe pour apprécier cette histoire d’amour passionnée et passionnante, un peu tragique et follement poétique. Sensuelle aussi. Tatiana et Eugène sont deux personnages, pas encore trentenaires, ancrés dans leur époque avec un smartphone greffé au bout de leur main. Ils se retrouvent par hasard dans la ligne 14 du métro parisien, dix ans après leur première rencontre. À l’époque, elle, 14 ans, était tombée amoureuse de lui. Lui, blasé à 17 ans, l’avait éconduit.

Mais là, entre deux freinages malveillants du Meteor, il se rend compte qu’il a fait une bourde et il va tout faire pour raviver la flamme de Tatiana. Ce qui, en réalité, n’est pas utile, puisqu’elle ne s’est jamais vraiment éteinte.

Que ceux qui craignent les histoires d’amour étouffantes se rassurent. La musicalité de l’écriture, qui fait des aller-retour entre passé et présent, embarque le lecteur dans une partition rythmée par des respirations orchestrées par la narratrice, de connivence avec lui. Surtout, elle calme, avec une tendre ironie, les ardeurs des deux protagonistes.

Le bon moment pour se lancer

Sarbacane
248 pages, 15,50 €.

Car Clémentine Beauvais connaît à la perfection Eugène et Tatiana et rend compte de leurs émotions avec acuité sans se priver de les taquiner. « J’ai découvert le roman de Pouchkine au lycée. Mais c’est surtout l’opéra de Tchaïkovski que j’adore. J’éprouve pour cette œuvre musicale une mini-obsession et j’avais vaguement l’idée qu’un jour, j’allais en faire quelque chose. Après les Petites Reines, c’était le bon moment pour me lancer et proposer quelque chose de complètement différent. L’écriture en vers libres n’a jamais été contraignante puisqu’elle sert le propos. C’est davantage la mise en page qui a été galère. »

Car les vers libres nécessitent une organisation de l’espace de la page très particulière, avec des alinéas, des blancs, des enjambements… De ce point de vue aussi, Songe à la douceur a quelque chose de révolutionnaire. C’est tout le paradoxe de ce roman qui, en s’inspirant sur la forme et sur le fond du passé, n’en est pas moins moderne et innovant. Et même bluffant.

(1) Paru en 2015, plus de 25 000 exemplaires vendus, bientôt adapté au cinéma, élu meilleur roman jeunesse 2016 par le magazine Lire.

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