L’art d’être un passeur qui s’ignore

L’art d’être un passeur qui s’ignore

Une amie m’a offert un livre en prononçant des mots qui ont fait mouche.

© Dominique Primault

Pourquoi un roman s’impose dans vos mains sans un regard pour la pile de livres qui attend patiemment de baisser d’un étage ? Étrange et inconscient pouvoir du passeur qui s’ignore mais qui, en quelques mots, a su éveiller votre curiosité, aiguiser votre appétit de lecture et donner envie de découvrir une plume qui jusqu’alors vous était complètement inconnue.

C’est ainsi qu’une amie m’a fait découvrir Rosa Montero. L’auteure espagnole, qui vient de perdre son mari, s’apprête à écrire la préface du journal que Marie Curie a tenu après la mort de Pierre Curie. Cette rencontre a donné naissance à un roman inclassable, entre biographie, autobiographie, récit intimiste et réflexions féministes.

L’auteure invite le lecteur à faire un retour dans le passé pour éprouver une époque révolue dont il reste encore de nombreux stigmates machistes. À s’immiscer dans la vie privée de l’immigrée polonaise loin de la froideur de la femme publique. À découvrir la scientifique passionnée, l’épouse complice et la mère épuisée. À mesurer les violences et les maltraitances dont elle a été victime dans une société où l’homme s’est décrété supérieur à la femme…

Le nom de Marie Curie se dissocie de celui de Pierre pour révéler une femme ambitieuse qui a dû défier les lois sociétales pour exercer ses recherches. Une femme meurtrie par la perte tragique de son mari. Une femme deux fois nobélisée qui a tant dérangé ses contemporains pour être libre.

Entre les extraits biographiques très documentés, l’auteure s’interroge sur ses propres choix de vie, son combat féministe, sa vie amoureuse. Et couche des mots sur sa propre douleur pour tenter de se réinventer avec l’absent. De quoi interpeller, énerver, chambouler…

Alors on ferme le livre sans regrets (tant pis pour le retard) en se disant que c’est une position délicieuse (et un peu inhabituelle pour moi) d’être à la place de celui à qui on passe avec enthousiasme un roman. Bien sûr, il y a toujours ce risque de ne pas éprouver les mêmes émotions, forcément différentes. Mais est-ce vraiment un risque ? N’est-ce pas d’abord un gage d’amitié, une invitation à continuer à faire connaissance, un témoignage de confiance ? En tout cas, ce n’est pas un geste anodin de prêter un livre qui compte pour soi. Ni de l’emprunter.

Métailié
L’idée ridicule de ne plus jamais te revoir, Rosa Montero, Métailié, 178 pages, 17 €. Pour les grands.

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