Cauchemars, nuit noire, vampire… Trois albums pour dompter ses peurs

Au programme de cette sélection, un vieux manoir poussiéreux, une escapade nocturne et une île monstrueuse…

Cette semaine, le spécialiste du photomontage Jean Lecointre et auteur de l’Odyssée d’Outis, pépite de l’album 2013 au Salon de Montreuil, propose une visite singulière d’une maison aux faux airs de manoir hanté ; l’illustratrice Nine Antico explore le courage de dix enfants, pas si téméraires que ça en pleine nuit ; et l’illustrateur sino-cambodgien Migual Pang, dessine sa version sombre et colorée d’un vampire au secret presque bien gardé.

Cache-cache cauchemars, Jean Lecointre, Thierry-Magnier

Qui joue à cette partie de cache-cache annoncée par le titre de l’album et dont la couverture annonce la couleur cauchemardesque ? Certainement pas ce jeune homme, trop occupé à prouver à la petite fille que les monstres n’existent pas et qu’il n’y en a pas dans les pièces de la maison immense. La petite-fille alors ? Si elle ne semble pas dupe par ce qui l’entoure, elle n’en est pas moins hyperconcentrée à retenir son souffle, yeux écarquillés et bouche ouverte, pour n’éprouver aucune envie de jouer. Le lecteur du coup ? Sans aucun doute.

Car c’est bien ce dernier qui est invité à jouer à cache-cache dans ce manoir hanté et à adopter le point de vue de la petite fille quoi qu’en dise le narrateur, bien trop sûr de lui. Car si l’on excepte la chambre, véritable havre de paix, toutes les autres pièces de la maison sont truffées de bêtes immondes, de mains baladeuses et d’yeux globuleux. Les débusquer, dans ces planches de photomontage élaborées qui se réapproprient les meubles avec monstruosité, devient un jeu d’enfant. L’avantage avec ces monstres-là, c’est qu’ils ne sont pas si dangereux que ça pour ceux qui savent les observer. En revanche, ils savent reconnaître l’un des leurs… Bonne nuit !

Thierry-Magnier
Cache-cache cauchemars, Jean Lecointre, Thierrry-Magnier, 32 pages, 16,80 €. Dès 5 ans.
Nous étions dix, Nine Antico, Albin Michel

C’est un compte à rebours en forme de comptine qui décrit, avec un rythme visuel et des rimes musicales, le courage de dix enfants qui bravent les interdits, s’enfoncent dans la nuit noire et partent à l’aventure. Ils n’ont peur de rien, assure la narratrice Rosie, une petite blondinette qui orchestre le départ avec sa torche. Mais le curseur de la peur se stabilise-t-il au même endroit pour les dix enfants ? C’est Joachim, le premier qui abandonne, prétextant préférer retrouver sa couette. Ils ne sont plus que neuf…

Les planches illustrées sur les pages de droite, dans lesquelles domine le bleu de la nuit, suivent leur avancée, alternant des pleines pages quand les enfants sont soudés, avec des demi-pages quand l’un d’eux quitte le groupe. Sur la page de gauche le refrain (le décompte) alterne avec des couplets pleins d’entrain et d’imaginaire enfantin.

Au fur et à mesure que les enfants sont de moins en moins nombreux, le ton des légendes des pages illustrées devient plus nuancé. La peur s’installe un chouïa et monte d’un cran à chaque nouveau départ. Jusqu’à ce que Rosie se retrouve toute seule, tétanisée (le lecteur aussi). Quant à la chute, elle est à la hauteur des grosses frayeurs… mais quel soulagement !

Il ne reste plus qu’à recommencer pour retrouver chaque personnage, les compter et profiter encore de leur escapade pour s’amuser à avoir peur, tout en étant rassuré.

Albin Michel
Nous étions dix, Nine Antico, Albin Michel, 48 pages, 18 €. Dès 3 ans.
Mister Black, Catalina Gonzalez Vilar et Miguel Pang, Les Fourmis Rouges

Voici une île bien sombre, peuplée de personnages peu fréquentables en dehors d’Halloween : un fantôme par ci, une sorcière par là. C’est ici que vit Mister Black, un vampire sans histoire, mais avec de longues canines pointues. Pourtant, il semble sur ses gardes lorsqu’il rentre dans son manoir muni d’un baluchon volumineux.

Son terrible secret va sans doute surprendre plus d’un lecteur qui s’était préparé au pire dans ce décor aux courbes lugubres : Mister Black adore le rose, mais pour un vampire, ça ne se fait pas trop. Alors il se cache et vit seul dans son manoir qui, décoré en sucreries, apparaît particulièrement délicieux. Et Mister Black est très gourmand… trop ? Lorsque ses voisins surprennent son cabriolet rose, (Mister Black a des goûts de luxe aussi) leur sanction est sans appel. Le rose est banni à tout jamais et Mister Black doit retourner dans son costume noir de vampire.

C’est sans compter sur un feu salvateur qui oblige tous les habitants à fuir et à dévoiler leur secret coloré. Tous ces méchants sont en vérité plein de fantaisie quand ils montrent leur vraie nature. Encore faut-il l’assumer ?

Voilà un album qui en met plein les yeux grâce à des illustrations tendrement démoniaques et contrastées, mais qui invite aussi à la réflexion. Est-ce que tout le monde joue un rôle ? Pourquoi avons-nous peur de nous montrer comme nous sommes ? Pourquoi le rose est une couleur inavouable pour un vampire ? De belles discussions en perspective…

Les Fourmis Rouges
Mister Black, Catalina Gonzalez Vilar et Miguel Pang, Les Fourmis Rouges, 32 pages, 16,80 €.

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