De la part du diable, Aina Basso, Thierry Magnier

Un roman historique sur fond de sorcellerie à travers le destin de deux adolescentes que tout éloigne. Tragique et diabolique.

1620. Dorothe vit à Copenhague dans une famille aisée. À 16 ans, la jeune fille rêve du grand amour mais devra se plier à l’autorité parentale et épouser un homme bien plus âgé qu’elle. Quitter sa ville aussi pour le nord de la Norvège où son mari est appelé pour instruire les procès en sorcellerie.

Elen, 16 ans, vit pauvrement dans un hameau au nord de la Norvège. Elle ne connaît pas son père. Sa mère, guérisseuse, collectionne les aventures et les grossesses. Les gens du hameau la craignent et la respectent. Jusqu’au jour où l’accouchement du petit dernier tourne mal. Pour survivre, elle transmet un don à sa fille : celui d’arrêter le sang.

Les deux adolescentes ont des vies diamétralement opposées. Pourtant leurs destins vont se croiser. L’une sauvera l’autre mais l’autre ne pourra rien faire pour l’épargner en retour…

Historique. Le malaise prégnant à la fin du roman dont la chute, diabolique, fait froid dans le dos, est renforcé à la lecture de l’épilogue. La fiction tragique et cruelle est alimentée par une réalité historique nous dit l’auteur : celle des procès en sorcellerie qui ont eu lieu dans les années 1620 et 1621 au Finnmark. D’une barbarie abjecte. Sous la torture, les accusées avouent ce que leurs tortionnaires veulent entendre. Et elles dénoncent d’autres femmes et ainsi de suite… Douze femmes mourront sur le bûcher en moins d’un an. L’ambiance démoniaque de l’époque est habilement retranscrite au point de troubler le lecteur qui s’interroge sur cette odeur de souffre…

Sociologique. La construction à deux voix met en parallèle deux jeunes filles du même âge qui ne sont pas nées dans le même milieu. L’une est pauvre, l’autre est riche. L’enfance d’Elen est rude, dure et cruelle (la mort accidentelle de son petit frère est d’une violence inouïe) mais personne ne va la forcer à se marier. Celle de Dorothe est douce, facile et agréable mais elle devra accepter l’époux que ses parents ont choisi. Les convenances empêcheront les deux jeunes filles de se parler d’égale à égale pourtant l’une comme l’autre envie chez l’autre quelque chose qu’elle n’a pas.

Condition féminine. Soit docile et tu feras une épouse soumise ou soit libre et tu seras accusée de sorcellerie. C’est quoi au juste la place de la femme ? Même si les deux protagonistes semblent vouloir s’affranchir de l’héritage de leurs mères, elles s’y résignent et le reproduisent. Mais quel autre choix leur laisse la société du XVIIe siècle ? Il suffit parfois d’un petit grain (de beauté) pour bousculer les schémas établis…

On ne sort pas indemne de ce roman auquel on pense longtemps après sa lecture. Avec un sentiment de malaise et d’injustice. De révolte aussi.

Thierry-Magnier
De la part du diable, Aina Basso, traduit du norvégien par Pascale Mender, Thierry-Magnier, 256 pages, 16 €. Dès 14 ans.

 

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