Mais qui se cache derrière Benoît Jacques Books ?

Mais qui se cache derrière Benoît Jacques Books ?

Benoît Jacques s’auto-édite à son rythme depuis 1989. L’artiste inclassable fêtera ses trente ans d’édition au Salon du livre et de la presse de la jeunesse consacré cette année à l’éloge de la lenteur

Benoît Jacques est assis au centre de plusieurs auditrices et d’un auditeur qui semblent ne pas perdre une voyelle de ses paroles. Lui, le regard azur et le sourire élégant, s’excuse de les abreuver de mots. Moi, en retard, je me la joue discrète mais très curieuse.

Qui est cet illustre inconnu qui publie depuis trente ans, sous le nom d’un éditeur franglais (Benoît Jacques Books), et qui s’avère être Belge ? J’ai eu beau regarder son site juste avant de venir à la rencontre organisée par l’école du Salon du livre et de la presse jeunesse (SLPJ) lundi 23 septembre, mais les couvertures de ses livres ne me disent rien. Même La Nuit du visiteur, prix Baobab 2008 du Salon de Montreuil…

« Chaque année, j’ai l’impression d’être découvert au Salon de Montreuil, c’est très rafraîchissant. » La phrase me déculpabilise aussitôt et m’autorise à balayer ma gêne pour mieux l’écouter. Tant mieux, car le propos captive. Il est question de créativité bloquée par « le jugement », « de verrou à faire sauter », de « l’intensité des premières fois » qui remontent à l’enfance, de « fragilité »… Ses mots touchent, émeuvent ou réjouissent son auditoire. De quoi donner envie de connaître davantage cet auteur, illustrateur, éditeur, diffuseur, mais aussi très bon orateur.

« Personne ne voulait de mes livres »

Dans le monde de l’édition, Benoît Jacques, 61 ans, est un ovni. Après douze année à Londres dans un studio de design graphic où « il a appris le métier », il décide de monter sa petite entreprise, Benoît Jacques Books, en 1989 pour créer ses premiers livres « puisque personne n’en voulait ». L’homme aime « raconter des histoires mais aussi et surtout travailler sur l’objet-livre ».

Benoît Jacques
Benoît Jacques : « J’ai développé des exigences qui ne sont pas raisonnables, mais je ne suis pas quelqu’un de raisonnable. »

Une passion qui remonte à une enfance, à Bruxelles, jalonnée de rencontres déterminantes. Celle des livres de Robert Morel, « des livres ronds, aujourd’hui des objets de collection » et celle d’un typographe belge interviewé par son père journaliste, qui l’a beaucoup marqué.

Quant à son goût immodéré pour le concept éditorial, il est né dans une valisette en carton rouge, un cadeau d’anniversaire, où il y avait tout le matériel pour fabriquer cinq numéros du journal Le Début (un exemplaire par numéro) et créer par la même occasion les éditions Bibi. Il n’était pas encore adolescent…

« Les libraires sont des passeurs fabuleux »

Livres de Benoît Jacques
Benoît Jacques Books : 30 ans d’édition.
La nuit du visiteur, Benoît Jacques, Benoît Jacques Books, 115 pages, 21 €.

C’est aussi à cette époque que remonte le besoin de faire tout seul, un trait de caractère qui le caractérise encore aujourd’hui. L’homme déteste les étiquettes et ignore les cloisons comme celle qui sépare l’artiste de l’artisan. De l’idée à la diffusion chez les libraires, « des passeurs fabuleux », en passant par l’impression qu’il supervise avec minutie, il crée et fabrique un livre chaque année qu’il publie à 3000 exemplaires.

« C’est beaucoup pour un homme seul, mais pas assez quand on reçoit le prix Baobab. » Il se souvient du succès soudain de La nuit du visiteur grâce au prix du Salon de Montreuil en 2008. Dans cet album qui revisite le conte du Chaperon rouge, les images jouent avec le texte, la typographie guide la voix du lecteur, les mots s’amusent avec les sonorités… Un régal pour la lecture à haute voix. « Heureusement que j’avais 50 ans, lâche-t-il en mode sagesse. Souhaiter la reconnaissance, c’est légitime. Le succès en revanche, ce n’est pas toujours un cadeau. »

«  Tenir trente ans à faire ça, c’est dingue ! »

Chacun de ses livres est unique, incomparable avec le précédent. Un seul livre par an, c’est en revanche très peu pour une maison d’édition mais c’est une belle illustration de l’éloge de la lenteur, thème du prochain Salon du livre et de la presse jeunesse où il soufflera les 30 bougies de Benoît Jacques Books. « Je préfère parler de persévérance plutôt que de lenteur » corrige-t-il, tout en ajoutant : «  Tenir trente ans à faire ça, c’est dingue ! »

30 années de livres auto-édités.
Poppeup, Benoît Jacques, Benoît Jacques Books, 64 pages, 20 €.

C’est pourtant bien une réalité. « Mon entreprise est saine, remarque-t-il en guise d’explication, mais elle est très fragile. » Un an sans Montreuil en 2018 pour des raisons de santé et le résultat négatif est immédiat. Heureusement, il revient cette année avec son petit dernier Poppeup, qui n’est pas un pop-up mais un album coloré et joyeux avec une jaquette singulière.

Le livre raconte l’histoire d’un monsieur en papier qui a pour projet de sortir du livre, mais qui échoue à plusieurs reprises. « Il va persévérer, à son rythme », promet Benoît Jacques dont le regard malicieux promet une chute à la hauteur…

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